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Agriculture intensive VS Agriculture raisonnée : quel modèle pour nourrir le monde ?

De plus en plus d’acteurs, de médias alternatifs et d’ONG remettent en question la viabilité de l’agriculture extensive et pointent du doigt son impact sur l’environnement. Les défenseurs de ce modèle assurent pourtant que c’est l’unique solution pour nourrir l’humanité lorsqu’elle dépassera les 9 milliards d’individus. Qui doit-on croire ?

Un rapport réalisé en 2010 par l’ONG norvégienne « The Development Fund » apporte un éclairage sur l’importance d’une agriculture paysanne. On apprend notamment que 70% de la nourriture au niveau mondial est actuellement produite par environ 3 milliards de petits producteurs, agriculteurs, éleveurs, pêcheurs et chasseurs confondus. On peut donc dire que le secteur primaire fait vivre presque la moitié de la population mondiale tout en produisant plus des 2/3 de la nourriture. Si l’agriculture intensive était adoptée au niveau global, cela s’accompagnerait d’une drastique réduction des travailleurs du secteur primaire, c’est exactement ce qu’il s’est passé dans les pays occidentaux avec la révolution agricole (mécanisation, utilisation de semences hybrides et de pesticides, intrants chimiques etc).

On voit que l’agriculture est un secteur capital, probablement un des piliers de nos économies. C’est pourquoi il est important de choisir le bon modèle agricole pour subvenir à nos besoins futurs en nourriture.

Les conséquences de l’agriculture extensive

L’agriculture conventionnelle s’est développée après la 2nd Guerre Mondiale et a eu de lourdes conséquences sur les économies des pays concernés :

Révolution agricole : dans les pays occidentaux, elle a provoqué une hausse de la productivité allant jusqu’à 2000 tonnes par travailleur et par an au cours des dernières décennies. La conséquence ? Une surproduction et une baisse conséquente des prix qui a appauvri un grand nombre de petits paysans. 90% d’entre eux ont fini par abandonner leur métier pour aller grossir les villes et fournir la main d’œuvre pour l’industrie et les services.
Perte de biodiversité : les variétés de semences ont diminué, 75% à 90% ont disparu sur les cinquante dernières années. C’est la perte d’un capital étoffé et transmis sur des siècles et des millénaires de pratique de l’agriculture.
Consommatrice d’eau : l’agriculture représente 70% de la consommation en eau et jusqu’à 95% dans les pays en développement.
Déforestation : conséquence directe de l’agriculture extensive, elle représente à elle seule 17% des émissions de gaz à effet de serre.
Dégradation des sols : plus de 46% des sols au niveau mondial connaissent des pertes de productivité et 15% ne peuvent plus être utilisés pour cultiver car les investissements sont trop importants pour les remettre en état.
Dépendante de l’industrie pétrolière : pour les engrais, les carburants des machines et le transport, ce qui explique pourquoi les prix des denrées alimentaires sont indexés sur ceux du brut.
Nourriture de mauvaise qualité : l’industrialisation du secteur agroalimentaire a favorisé l’usage massif de produits chimiques et la fabrication de produits transformés, pauvres en nutriments.
Pandémie : augmentation du risque au niveau mondial en raison des antibiotiques utilisés à grande échelle, de la promiscuité dans les élevages industriels et du transport des animaux sur de longues distances.
Utilisation d’OGM : la productivité est similaire aux autres semences et l’utilisation des pesticides ne diminue pas. De plus, on ne sait pas comment peut évoluer une plante génétiquement modifiée. Elle peut mettre en péril toute les autre variétés d’une même espèce et donc réduire la biodiversité ou même menacer certains insectes qui sont eux bénéfiques pour l’environnement. Autre problème, la transmission des gènes entre espèces. C’est déjà le cas aux États-Unis avec une variété OGM de coton et de soja Monsanto. Le gène de résistance aux pesticides s’est transmis à une mauvaise herbe et sa propagation est devenue incontrôlable.
Révolution Verte : en Asie au début des années 60, les autorités ont encouragé la sélection de variétés très productives de riz, maïs, blé et soja nécessitant beaucoup de fertilisants synthétiques, de pesticides et d’irrigation. La production a augmenté de 229% en 25 ans et pourtant aujourd’hui l’Asie compte environ 642 millions de personnes qui souffrent de la faim. En Inde, entre 1997 et 2009 près de 200 000 fermiers se sont suicidés et 40% des autres agriculteurs souhaitent quitter leur métier. Certains veulent lancer cette fameuse Révolution Verte en Afrique, la fondation de Bill Gates fait notamment partie des soutiens financiers.
Appropriation des terres : des investisseurs étrangers achètent des terres dans des pays où des millions de personnes dépendent déjà de l’aide alimentaire, en Afrique notamment.

Agriculture durable : qualité, productivité et respect de l’environnement

Souvent décriée par nos dirigeants influencés par le lobby de l’agro-business, l’agroécologie gagne peu à peu du terrain et les exemples d’agriculteurs réussissant mieux en appliquant cette agriculture raisonnée se multiplient. Parmi les bénéfices d’une agriculture qui coopère avec la nature au lieu d’aller à son encontre, on trouve notamment :

Meilleure productivité : de nombreuses études sur l’agroécologie dans les pays en développement ont démontré des gains de productivité importants. En France également, l’étude de l’INRA sur la ferme du Bec Hellouin démontre que les rendements sont très encourageant et qu’il est possible de vivre de son métier en cultivant de manière durable une petite surface.
Préservation des sols : grâce à un travail de la terre limité, l’utilisation d’engrais organiques comme du fumier ou encore la pratique de l’agriculture sous couvert végétal.
Meilleure utilisation de l’eau : sur 80% des terres cultivables dans le monde est pratiquée une agriculture pluviale, elle dépend uniquement des précipitations pour l’approvisionnement en eau. Cette agriculture pluviale fournit 60% de la nourriture au niveau mondial.
Biodiversité : les espèces d’animaux et de plantes sont plus nombreuses dans les exploitations responsables ainsi qu’aux alentours des microfermes.
Copier les écosytèmes naturels : en s’inspirant de la nature, l’agroécologie permet de concevoir un système de production agricole plus résilient et donc plus résistant aux aléas climatiques.
Réduction des émissions et séquestration du CO2 : les émissions pourraient ainsi être réduites de moitié voire jusqu’aux ¾ de leur niveau actuel en combinant tous les avantages d’un système agricole durable (reconstruction des sols, décentralisation et intégration de l’élevage aux cultures, production et distribution locales, arrêt de la déforestation).

En 1997, le USDA (United States Department of Agriculture) a établi un rapport sur la valeur générée pour la société par les petites fermes. Parmi les bénéfices, on compte entre autres :

  • Plus de diversité avec de nombreux propriétaires, différents systèmes de plantations, de paysages, d’organisation, de culture et de tradition.
  • Bénéfice environnemental avec une meilleure gestion de l’eau, des ressources du sol et la préservation de la vie sauvage.
  • Davantage d’opportunités d’emploi dans le milieu rural et un capital social plus important.
  • La ferme est un cadre structuré pour les familles et permet aux enfants de se développer dans de bonnes conditions. Passage des compétences d’une génération à l’autre.
  • Les individus se reconnectent à leur nourriture et à son producteur.
  • Dans certaines régions, cette diversité de petites fermes est la clé de voute de l’économie locale.

 

 

L’agriculture extensive profite finalement à une minorité d’agriculteurs ainsi qu’aux industriels de l’agroalimentaire tout en détruisant l’environnement (érosion des sols, pollution de l’eau, émissions de CO2 etc) et des emplois. On pourrait aussi aborder le problème du gaspillage qui est de l’ordre de 1/3 de la nourriture produite chaque année dans le monde (1,3 milliards de tonnes) selon la FAO. A la lumière de tous ces éléments, on se rend bien compte de l’absurdité du modèle prôné par nos dirigeants depuis des décennies.

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