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La transition énergétique, une opération de greenwashing ?

Pour limiter le réchauffement climatique à 2°C, il faudra laisser dans le sol un tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80 % des réserves de charbon. Autant dire que la transition énergétique avec le remplacement des énergies fossiles par les énergies renouvelables est indispensable pour atteindre cet objectif.

Mais nous avons un petit problème : les aimants à l’intérieur des éoliennes, les cellules des panneaux solaires et les batteries des voitures électriques fonctionnent uniquement grâce à l’utilisation de métaux rares. Et leur extraction consomme de grandes quantités d’énergies…fossiles.

Dans son enquête intitulée La face cachée de la transition énergétique démarrée en 2012, le journaliste Guillaume Pitron dénonce « la plus fantastique opération de greenwashing de l’histoire ».

Une bonne partie des données et informations de cet article proviennent de l’excellent magazine Socialter édition avril-mai 2018 : dossier « L’Âge de métal ».

 

Des métaux rares difficiles à extraire

 

Les gisements de terres rares sont éparses et limitées dans la croûte terrestre, et c’est la Chine qui détient un quasi-monopole des exportations. D’énormes quantités de roches sont extraites pour récupérer seulement quelques kilos des précieux métaux ce qui rend le processus très gourmand en énergie. Un paradoxe, car le mix énergétique chinois est composé à 60 % de charbon et les énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon) représentent plus de 70 %.

Pour couvrir nos besoins en énergie, il faudra selon Guillaume Pitron doubler la production de métaux rares tous les 15 ans et extraire les 30 prochaines années davantage de minerais que ce que l’humanité a prélevé depuis 70 000 ans. Rien que ça.

 

L’environnement sacrifié

 

Une fois la roche extraite, il faut la fragmenter et utiliser des bains acides pour séparer les différents éléments des métaux recherchés. Des lacs de déchets toxiques se sont formés, notamment à Baotou en Mongolie intérieure, où la radioactivité est supérieure au niveau mesuré autour de Tchernobyl.

Pour produire une tonne de terres rares, la Chine rejette 2000 tonnes de déchets toxiques dans l’environnement. Or le pays en exporte plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an. Faites le calcul. En sacrifiant son environnement mais aussi la santé de ses citoyens, la Chine extrait donc dès 2002 des terres rares pour 2,80 dollars le kilo, soit un coût deux fois inférieur à celui des Etats-Unis.

 

Un quasi-monopole de la Chine sur les terres rares

 

La Chine produit actuellement plus de 80 % des terres rares (Antimoine, Bismuth, Magnésium ou encore Tungstène et Germanium). Les pays occidentaux étaient pourtant leaders en la matière, les Etats-Unis et la France notamment. Le groupe Rhône-Poulenc détenait à lui seul près de 50 % du marché mondial des terres rares en 1980 (extraction et raffinage).

Suite à la découverte d’eaux polluées et radioactives rejetées dans l’environnement, des scandales éclatent aux USA comme en France. Les occidentaux décident d’exporter leurs industries très polluantes en Chine – ou dans d’autres pays en voie de développement à l’époque – pour ne pas être impactés par le coût des normes environnementales sur leur propre territoire.

La Chine a donc réussi son pari et utilise ce monopole comme une arme géopolitique. Entre 2005 et 2010, elle a même pu se permettre de diviser par deux ses quotas d’exportation de métaux rares en les réduisant de 60 000 à 30 000 tonnes alors que dans le même temps la demande mondiale explosait.

 

Des solutions existent : recyclage, R&D, relocaliser les mines

 

Une solution avancée serait de recycler les métaux rares en collectant par exemple les 100 millions de téléphones usagés qui dorment dans les tiroirs des Français. Mais la tâche est colossale et le recyclage est très complexe en raison de la miniaturisation des composants utilisant les terres rares. Recycler coûte beaucoup plus cher que d’importer.

Certains proposent de rouvrir des mines en France pour rapprocher la production du consommateur final dans un souci de sensibilisation au coût environnemental et humain. C’est peu probable, en tout cas à court terme. Avec les normes environnementales européennes, le coût de l’exploitation des métaux rares serait multiplié par 10. Cela aurait un impact direct sur les entreprises du numérique et de la transition énergétique.

La R&D dans les énergies renouvelables peut également amener des solutions. Des aimants d’éolienne sans terre rare existent déjà mais ils sont plus lourds et donc moins efficaces. Mais la recherche prend du temps et la transition énergétique est une course contre la montre.

 

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